La Comida, los dineros y nosotros
Avant de commencer notre parcours à vélo, nous avons donc passé quelques jours à la Havane pour nous accoutumer à l'air local et appréhender la suite avec un tant soit peu de repères.
Derrière la beauté et l'authenticité de la Havane, ses voitures mythiques et son atmosphère tropicale aux couleurs chaudes lasurées par les embruns caribéens, au-delà des spécificités culturelles, de la langue, de l'architecture, de la politique, de la pratique démocratique (en particulier l'absence totale de presse, de publicité ou d'enseignes), des manières, des religions, des vestiges des relations de jadis (US, Russie, Chine, Venezuela, France...) qui sont autant d'aspects que nous aurons plaisir à découvrir au fil du voyage, nous avons mis quelques jours à encaisser la situation économique actuelle du pays, qui impacte notamment la nourriture et l'argent.
Pour être clair, la situation de pénurie actuelle à Cuba est une des pires jamais vécue par le pays.
Les raisons sont multiples : impact du COVID sur le tourisme surtout, mais aussi détérioration des relations avec les US qui ont pris (en la personne de Trump) des sanctions très fortes contre Cuba du faut de ses relations avec le Venezuela, (mais non encore corrigées par Biden). D'autres disent que même sans ces épreuves, le système du pays, avec un communisme encore très présent et bridant, n'est pas disposé à prospérer.
Nous avons par hasard atterris dans un appartement d'un quartier particulièrement pauvre de la Habana Vieja, et nous avons été sonnés par l'insalubrité et la décrépitude des maisons habitées pourtant par des centaines de milliers de personnes. Les immeubles effondrés, les circuits coupés, les habitations désertées, les routes défoncées...
Si les gens vivent dehors, ce n'est pas seulement pour profiter du soleil, c'est aussi parce que beaucoup de maisons sont pourries.
Les stigmates de la précarité et du temps sont nombreux. Ça n'empêche pas les cubains d'êtres plutôt enthousiastes, mais la situation éprouvante se lit néanmoins sur les visages.
Au moment où j'écris, (nous sommes dans une petite bourgade sur la côte à une centaine de km a l'ouest de La Havane), il est 20h et l'électricité a cessé de fonctionner depuis environ 16h. Il est prévu qu'elle revienne dans la soirée, comme chaque jour.
Pour les frigos et la nourriture qui est dedans, c'est une épreuve quotidienne.
Tout ce qui semble aller de soi en Europe, n'existe pas ou très difficilement : eau, énergie, commerce, internet, institutions...
Il est très très difficile de trouver de la nourriture et de l'eau potable. Pour la plupart des Cubains (et pour nous), c'est l'activité principale de la journée, et cela se traduit par des files d'attente interminables devant les magasins d'état qui commencent dès le petit matin.
On trouve deux types de magasins : des magasins d'Etat, accessibles aux seuls cubains munis d'une carte de rationnement (selon les jours, on y trouve du riz, du sel, du dentifrice, parfois des oeufs... scrupuleusement distribués selon un barème précis). Et d'autres magasins et marchés, accessibles à tous, qui peuvent vendre un peu de tout, mais dont les étagères sont quasiment vides hormis quelques conserves ou produits courants (par exemple, on peut entrer dans un magasins qui ne vend que du shampoing, c'est a dire 10 flacons du même shampooing). Les marchés sont un peu mieux lotis car la production de légumes est locale.
La viande est absente, et le PQ est une autre denrée très recherchée.
Ainsi la première semaine, nous avons essentiellement mangé du riz et de la semoule (emportés de France, merci Julie d'avoir insisté, merci du conseil Jean-Matthieu !) avec quelques légumes chinés dans les marchés (tomates, oignons, carottes, poivrons...). Nous trouvions le réconfort dans les fruits : ananas, mangues, bananes qui restent néanmoins assez accessibles...
Les restaurants pour touristes sont les mieux achalandés. Mais il sont très très chers, et nous ne nous le permettions pas car cela gréverait une bonne partie de notre budget du voyage en quelques jours. D'autant qu'il faut faire très attention aux sous.
Justement, au sujet des sous : là aussi, changement d'ambiance...
La particularité de Cuba est d'avoir une monnaie nationale qui fonctionne en circuit fermé, uniquement sur le territoire. Cette monnaie (le peso cubain) est faible et fortement impactée par l'inflation, elle se déprécie rapidement. Cela veut donc dire qu'il faut venir avec l'argent nécessaire en euros et le changer sur place. Évidemment, le dollars et l'euro sont des devises très stables donc très recherchées si bien que tout le monde se presse pour les changer (notamment dans la rue). Pour des gringos comme nous, c'est l'assurance de se faire arnaquer ou plumer, mais il n'y a pas d'autres moyens.
Il y aurait bien un autre moyen, me direz-vous: aller dans un distributeur automatique et retirer avec sa carte bancaire tranquillement des pesos à un taux officiel et stabilisé.
Sauf que ça ne marche pas comme ça ici. Le taux pratiqué par les banques cubaines (car il n'y en a pas d'autres) est prohibitif : quand on peut obtenir entre 170 et 190 pesos pour 1€ dans la rue, la banque n'en offre que...40. Soit 4 a 5 fois moins.
Et le problème dans tous ça, c'est que la vie est plutôt chère à la Havane, contrairement à ce que ces taux pourraient laisser penser. En tout cas, on est souvent proche de prix européens: entre 25 et 60 euros pour une chambre, 1€ le kg de tomate, 2 euros la mangue, 1,5€ le stylo...
Payer des prix élevés avec une monnaie faible,ça veut dire qu'il faut s'habituer à se balader avec beaucoup de billets dans les poches, (les pièces ont disparu avec l'inflation) exactement comme il ne faut pas en voyage.
Il reste malgré tout un billet de 5 peso devant lequel je reste admiratif (il reste digne alors qu'il équivaut à 3 cents).
Voilà, ces dures réalités découvertes, ou plutôt comprises, au fil de notre arrivée nous ont fait douter... Dans quelle galère s'est-on mis ? Ce pays traverse une situation telle que venir s'y balader "pour le plaisir" semble inadéquat, presque déplacé. En même temps, ces Cubains si résilients ont besoin que la vie reprenne et le tourisme est sûrement le plus court chemin... Dans ce cas, il faut accorder sa confiance; mais avec des enfants notamment, où s'arrête la prudence ? Ou peut commencer la confiance ? Le genre de question que finit par se poser tout voyageur qui prend ses marques...
Dans ces moments déboussolés, nous avons pu compter sur l'appui chaleureux d'Eugenio, ami de longue date de Thibaut d'Autrans, qui a su nous guider par son flegme et trouver les mots et les solutions pour nous faire repartir.
"Vous ne comprenez rien à la situation ? Rassurez vous, nous non plus".
Ce rendre compte par vous même des difficultés du pays, été déjà dans vos esprits avant de partir. Mais c'est vrai que l'on ne s'attendait pas à ce que ce soit à se point... En espérant que tout ce passe bien pour la suite et que vous réussissiez à n'en garder que le meilleurs et toute la richesse d'un pays riche de tellement d'autres choses.
RépondreSupprimerBisous
Aller courage les chats ! Culpabilisez pas trop comme tu le dis : le tourisme est important pour eux. Alors profitez de l’aventure et faites confiance à votre instinct. Bisous !!
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