Une bouffée de montagne

 Depuis notre arrivée à Cuba, le thermomètre n'est jamais descendu sous les 30 degrés en journée, dépassant allègrement les 35°.

Le soleil est d'abord agréable au tout petit matin, jusqu'à 9h où il devient menaçant et oblige à chercher l'ombre la plus proche. Puis rapidement, il se renforce férocement, l'ombre se fait plus rare (et bondée), il faut raser les murs et la touffeur aride envahie le corps, le fait transpirer à l'excès et neutralise la moindre énergie.

La vie s'interrompt plus ou moins vers 11h pour reprendre vers 18h dans une atmosphère tout juste vivable. Au coeur de la journée, c'est une ambiance de western apocalyptique où personne n'ose sortir la truffe.

À vélo, le topo est à peu près le même, mais nous bénéficions du "vent" de l'allure, qui rend l'exercice supportable, même si nous essayons toujours de boucler nos étapes avant 12-13h.

(J'ai conscience que, lorsqu'on vit un mois de mai "contrasté" comme cela semble être le cas en France - et à plus forte raison dans le Vercors - cela peut paraître un peu déplacé de notre part de dépeindre un tel foisonnement de chaleur. Mais que voulez-vous, c'est la triste réalité. Si on pouvait vous envoyer la moitié de notre soleil, on le ferait autant pour vous que pour nous !).

Aussi, dans ce contexte "caliente" la proximité d'une chaîne montagneuse derrière Trinidad et donc, la perspective de pouvoir s'extraire de cette fournaise accablante nous apparaissait comme une promesse des plus réjouissantes et un clin d'oeil réconfortant à nos fraiches montagnes du Vercors (toutes proportions gardées bien sur : on n'espère seulement perdre quelques degrés).

Ainsi, nous souhaitons gravir ces montagnes pour nous rafraîchir et poursuivre vers le nord notre périple. Oui mais voilà, Topes de Collantes (c'est le nom du village que nous visons) est juché à 1000 m au dessus, et surtout au terme de 20 km assassins de routes tracées et construites droit dans la pente (avec plusieurs tronçons a +20%).

Autant dire que, si on ne veut pas exposer notre matériel et nous dégoûter à vie du vélo, il faut trouver un moyen de monter autrement.
4 personnes, 4 vélos costauds, une dizaine de sacoches... Pas simple, surtout quand "no hay gasolina (il n'y a pas d'essence)"...
On croyait avoir trouvé avec Yosman, un homme manifestement confiant rencontré dans un café la veille qui nous garantissait que sa "gran Jeep" conviendra parfaitement.

Moment épique le lendemain quand, deboulant à notre casa, il me lance, toujours très confiant "No tengo la Jeep pero tranquilo" ( j'ai pas la Jeep, mais t'inquiète ! ) en me désignant un copain venu avec lui, et une veille Lada déglinguée munie (certes) de barres de toits.
Moment drôle a posteriori. Sur le moment, je ris moins et on se met en recherche d'une vraie solution.

...Qui viendra finalement du gouvernement si j'ose dire car on trouvera refuge dans une camionette du France Télécom local qui nous déposera à bon port, non sans tousser fortement à la montée, ce qui nous fera régulièrement redouter de devoir finir la montée à vélo...



Une fois la haut, nous respirons enfin. Les forêts sont épaisses et le fond de l'air est presque tiède : un luxe.

Luxueux aussi est le tourisme en montagne, réservé semble t'il a des touristes argentées puisque nous ne trouvons que des hôtels aux prix exorbitants... (Un peu plus loin, nous trouverons finalement une casa aux tarifs acceptables).

Côté nature, les sentiers de randonnée se payent un a un, à la journée (30$!). À ce moment, on a une pensée émue pour notre cher IGN, aux cartes topos, aux GR français, à la Fédération de randonnée pédestre, aux PNR... bref à tous ces joyaux qui permettent à chacun de profiter de la sublime nature française où qu'on soit, qu'on ait des sous ou non.

Cela n'enlève rien à la beauté des forêts que nous traversons, denses et humides (et qui n'ont que faire de nos considérations économiques) où des milliers d'espèces à large feuilles n'ont aucun problème à se développer, entre les ondées et la chaleur tropicale de ce début de saison des pluies.

Au terme de notre randonnée, nous arrivons à une cascade dotée d'une sublime bassin d'eau douce qui nous amusera tout l'après midi.








L'étape suivante devait être une formalité, mais en y regardant mieux aux courbes de niveaux, je me rend compte qu'il y aura 500 mètres de dénivelés positifs... Et oui, c'est la montagne... Résultat : nous arrivons bien entamés dans le village de Jibacoa où nous sommes contraints de chercher un toit car nous ne voulons pas reproduire l'expérience des 80 km de Cienfuegos.


 

 
 Il n'y a pas de casa ici (et la loi est stricte à Cuba), donc personne n'a le droit de recevoir de touriste. Et a voir les expressions sur les visages, la police a l'air de faire peur a tout le monde...    Après des parlementations multiples, et des échanges entre cubains qui nous dépassaient totalement (qu'est ce qu'il peuvent bien se raconter... "Les draps sont propres ? Il y a la clim ? Tu me donneras la moitié de ce qu'ils te payent ?"...), Nous sommes invités à passer la soirée et la nuit dans la maison d'une famille.  
 
Sommaire, très sommaire, mais on y est reçu avec bon cœur et cela nous permettra de passer au lendemain (même si la nuit, entre moustiques, draps douteux et ressorts de matelas enfoncés dans les reins ne fut pas des plus reposante).    Nous repartons de bon matin, avec l'énergie de la fuite, et l'envie de retrouver un peu de simplicité et de confort.   
 
 L'étape suivante sera longue mais nous atteignons la ville de Santa Clara dont les abords comptent de petites échoppes, des vendeurs de sucreries, des étals de fruits... 
 
Assez civilisé pour nous rassurer sur la suite, et nourrir la perspective de repas un peu plus complets que les jours précédents. Surtout que l'anniversaire d'Adèle approche.  
 
La recherche d'un toit prendra, comme d'habitude, trop de temps et d'énergie, à négocier sur les pas de portes avec des gens qui visiblement préfèrent ne pas louer leur chambre plutôt que de la brader.  Finalement, nous serons accueillis chez Pedro, chez qui nous passerons plusieurs jours dans la ville de Santa Clara, la ville du Che !  Car c'est à Santa Clara que le Che a débarqué lors de la révolution (quand Fidel et Raul débarquait ailleurs, respectivement à Santiago et Camagüey je crois...).  
 


 
 
Ville agréable, ou l'on sent que le tourisme n'est pas le seul moteur et que par conséquent, il subsiste une activité sociale forte. Des cafés, une jeunesse, des magasins, des librairies. De quoi passer un agréable moment a déambuler très tranquillement dans les rues.    C'est également parfait pour fêter l'anniversaire d'Adèle ce dimanche.  Je fais une petite pause pour raconter une petite anecdote "gâteau": les gâteaux à Cuba, c'est assez impressionnant. La première fois qu'on en voit, c'est dans la rue : les gens se baladent souvent avec des gâteaux exagérément grands et exagérément crémeux (à avoir des hauts le coeur rien qu'à les regarder)... On ne sait pas trop d'où ils viennent ni où ils vont. Parfois, ils se les revendent jusqu'à tard le soir. En voyant ce petit manege, et les glaçage crémage qui s'affaissent dangereusement, on pense "chaîne du froid", mais eux ça n'a pas l'air de les inquiéter.  Justement ce dimanche, c'est mon tour, je me rend dans une Dulceria (Pâtisserie) avec la ferme intention de ramener un de ces gâteaux iconiques a la maison pour faire plaisir à Adèle et finir cette journée avec quatre crises de foi.  En arrivant vers l'échoppe, je vois un attroupement d'une bonne centaine de personnes qui font la queue (parfois depuis la veille...) devant la pâtisserie.  Car aujourd'hui c'est aussi... la fête des mères ! (Les cubains adorent leur mère je pense).


Qu'à cela ne tiennent, je suis quasi cubain maintenant ! Je ferais la queue moi aussi, tel un vaillant papa téméraire et buté, et je ferais aussi l'étonné après une bonne heure d'attente quand on s'entendra dire "il n'y a plus de gâteaux" après avoir vu sortir plusieurs dizaines de ces gâteaux écoeurants.

Effort vain et inutile (et donc doublement énervant) puisque au restaurant, nous pourrons acheter un gâteau et fêter dignement les 7 ans de la chouquette !

Et avoir bien mal au ventre après !
Joyeux anniversaire Adèle !!


Commentaires

  1. Joyeux anniversaire Adèle des bises et Bravo à vous 4 pour ces aventures tellement bien racontées. j'ai presque eu chaud à un moment.
    Cyril (EP)

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  2. Le petit lac avec sa cascade ça fait rêvé! Belles aventures

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  3. Thomas Walter10 juin, 2023

    Re-Happy Birthday Adèle ! Bises à vos vaillants foies aussi ;)

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  4. Je suis bluffée par l'effort des enfants...C'est beaucoup de dénivelé et d'adaptation : bravo!!!
    Je reconnais bien là les grosses "tortas" qui ne m'ont jamais donné envie en Amérique du Sud!! Joyeux anniversaire très en retard Adèle, je rattrape mon retard et je suis super contente de vous lire (et de comprendre enfin qui écrit quoi!! :D ).
    Grosses bises de Villard!
    C.
    PS : la photo de famille devant la cascade...il faudra l'encadrer!! :))

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