Ça dérape !

On quitte Gambita sous un soleil de plomb et un nouveau rayon flambant neuf à ma roue (qui continue de couiner, on croise les doigts).


Sur les deux jours de pause dans cette mini bourgade, on aura noué pas mal de lien avec les habitants, que ce soit le fils du charpentier qui m'avait indiqué la garagiste, la garagiste qui avait embarqué ma roue pour Barbosa et me l'a ramenée le lendemain après-midi, le charpentier qui m'avait raccompagné à moto quand je n'avais plus de vélo, le pharmacien qui nous a rassuré (à nouveau) sur la rage, les gens qu'on croise près de la gancha, les commerçants...





Bref, on quitte le village avec l'impression de le connaître (et d'être connu) ce qui est très agréable. Le pharmacien va jusqu'à nous rattraper à moto dans les premières pentes pour nous offrir une bouteille d'eau. Il devait savoir ce qui nous attendait...

Effectivement, étape costaude, avec des pentes délirantes de pistes.






Et quand ça devient dangereux, on voit apparaître des dalles de béton sur quelques mètres (on redoute donc de voir arriver le béton...). Mais ascension sur seulement 6km cette fois ci, le reste c'est du semi plat. Ça passe.

Le centre de vacances que nous avons repéré pour passer la nuit est enfin là. Mais il est fermé, comme nous indique Saul, un vieux vacher en sombrero, posé au coin de la route.

Mais où allons-nous dormir ? Il est près de 5 heures... On sort les yeux de chiens battus, on regarde autour de nous... Et Saul nous propose une petite place dans son champs, au bord du rio. C'est le luxe : le gîte et la douche au même endroit ! En plus, Saul vend des sodas et de la bière, grandiose.



Ni une ni deux, une équipe s'occupe du camps et de la soupe, une autre part tout nu dans la rivière...

Le lendemain, nous profiterons encore mieux du rio sous le soleil et découvrirons avec une stupeur naïve que Saul s'en sert aussi de déchèterie... Aller, on décolle.

Cette étape qui doit nous emmener à la Laguna et peut être au-delà, promet d'être très dure tant au niveau du dénivelé que de la surface (piste défoncée). On s'y attend, mais on est toujours surpris lorsque la pédale ne répond plus et qu'il faut descendre pour pousser, façon pilier de mêlée. Et encore plus surpris quand, même à pied, ça n'avance pas...



Cette étape est de l'avis unanime la plus difficile de notre voyage : des montées dans la caillasse jusqu'a 30 % (au-delà, le GPS refuse de nous indiquer les pourcentages) des ornières gigantesques, des traversées à guet... Le compteur est formel : 5kmh de moyenne sur cette journée (essentiellement à pied donc). Beaucoup de sueur, beaucoup de glissades poussiéreuses, de coups de pompe et de noms d'oiseaux... On a à peine le temps de profiter du paysage qui commence à se tropicaliser sérieusement.

 Et puis soudain : la Laguna apparaît... sublime, bleutée et intemporelle.

 

 

 


 

 

J'ai pas pu m'empêcher.

 

 

Nous la longerons le long de piste explosées en shiste, en terre et en sable, où nous croiserons les seuls être humains de l'étape occupéd à traîter des vaches contre je ne sais quelle pathologie.

 

La jungle se mêle aux fougères géantes, et aux pâturages de montagnes. Les enfants couinent mais serent les dents. Il va pas falloir trop pousser... On en vient à devoir sortir l'arme "chantage-a-la-sucette" qui fonctionne bien, mais plus après 17h.

Il faut vraiment qu'on s'arrête et ici, au milieu de la pampa, le plan bivouac sauvage n'est pas une option : il nous faut trouver un champs rapido et de l'eau car dans une heure il fera nuit.

On tente de toquer et d'entrer dans des maisons alentour, mais personne. Qu'à cela ne tienne, on trouve les fondations en ruine d'une maison et on y dresse le camp. 

 




La nuit tombe et l'orage avec. Un peu anxieux tout de même car n'avoir vu personne à la ronde est aussi apaisant que flippant, surtout en Colombie (quand on a Narcos comme quasi unique reference). Dans la nuit, on convient que je ne dormirais que d'un oeil... à redouter que quelqu'un vienne nous déloger (ou nous découper à la tronçonneuse, ou nous rouler dessus en 4x4.... la nuit, avec le sommeil contrarié, on imagine vite des scénarios sordides).

Après une nuit mitigée dirons-nous, alors que je commence à baisser la garde vers 6h, nous sommes réveillés par un discours tonitruant proféré très fort dehors. A moitié endormi, je me précipite hors de la tente (en écrasant Julie au passage) et un homme est en train de parler en enregistrant ce qu'il dit et ce qu'il se passe en vidéo sur son telephone. "Buenos dias, Vous êtes sur une propriété privée sur laquelle vous êtes entré sans autorisation. C'est illégal et vous n'avez pas non plus pris la peine de demander.... bla blabla...". Wow...

L'impression d'être dans une mauvaise série américaine. A me voir à moitié ahuri, et essayant de l'interrompre, le monsieur se radoucit et range son téléphone... A mon tour de l'ensevelir d'amabilité, de détails, de pleurnicherie "les enfants étaient fatigués, l'orage menaçait, nous avons toqué a toutes les portes..." (ce qui était vrai du reste...).

A priori, le monsieur est rassuré que nous soyons des gringos comme sa belle fille (je ne l'ai pas détrompé) et nous laisse tranquille. Pfiou...


Reste maintenant à trouver de la nourriture et de l'eau. A 2 km de là, on nous indique une tiendita. Effectivement j'y trouve quelques infâmes victuailles en conserve à des prix exorbitants, mais dans notre situation, ça nous sauve. Et pour l'eau, j'irais en chercher au robinet extérieur d'une maison vide. On repart enfin. Sacrée pause ! De celles qui fatiguent plus qu'elles ne reposent.

Notre GPS nous promet une étape douce, avec plus de montée que de descente et un passage par une communauté taoïste... En pleine jungle... Intriguant.

Effectivement, on arrive progressivement dans une sorte de hameau où les cabanes de tôles et de bâches laissent progressivement la place à de belles cabanes richement agencées en bois ou en brique.


On nous y accueille, ça fourmille de travailleurs qui préparent l'anniversaire du grand mufti (je sais pas vraiment comment il s'appelle, c'est celui de gauche) et on nous propose de nous préparer un almuerzo végétarien. Délicieux ! Et les gens qu'on y croise sont adorables. Après avoir avalé tout ça, on reprend la descente dans la caillasse qui tire moins sur les jambes mais fait plus mal aux poignets, au dos et aux fesses.

Nous serpentons dans la montagne et arrivons à Virolin qui doit être notre village-étape du jour. Nous pensons qu'il y a un terrain de camping ou une auberge, mais comme nous n'avons pas moyen de vérifier et que nous n'en sommes pas a notre première surprise, on croise les doigts. Le ciel est lourd et menaçant quand nous arrivons comme Lucky Luke dans une ville du far west : une seule rue principale, quelques maisons a gauche et a droite qui semblent dessertes... Nous sommes accueillis par le large sourire de 3 soeurs qui tiennent effectivement l'auberge du hameau. Notre chambre est vite préparée et nous voilà à l'abri de l'orage qui s'abat immédiatement, au confort avec même une petite bière à la main, une douche chaude et le wifi. Ça va faire du bien de se reposer ici... 

 Tellement de bien qu'on y restera deux jours. A jouer aux cartes et aux playmobil, à dessiner, à regarder la fontaine couler, à découvrir les fruitiers endémiques, à visiter la ferme de Denise et Julian (500 poules, 5 biquettes...) à se baigner dans la rivière toute proche et a profiter simplement de ne rien avoir à faire.

 

On apprend la réussite

 





 Carmen, Denise, Cécilia, Adriana, Julian et Daniela sont aux petits soins et nous accueillent à l'intérieur même de leur famille et a son rythme. Nous prenons le petit déjeuner et le dîner ensemble dans la cuisine au son de la radio locale. Et lorsque Adèle a un peu mal au ventre, c'est toute la maison qui s'active pour lui trouver un remède.

Le petit déjeuner typique : arepas (galettes de maïs au fromage), huevos (l'omelette), caldo (la soupe) et tinto (café léger)



Le lendemain,nous devons partir par une route très caillouteuse vers Charala, la seule ville depuis un bon moment. Denise se fait du souci pour nous alors elles nous présente Lucho, l'ambulancier de passage qui nous propose de nous embarquer. On parle, on parle, de la Colombie, de la France, du Tour, du PSG... Bref, on finit par partir et on convient que Lucho nous récupérera sur la route s'il nous dépasse. En échange, on s'engage à lui transfèrer Kylian M'Bappe au Real Madrid (son club de coeur) dès l'année prochaine. Marché conclu.

 

Lucho veille sur nous !

La route sera effectivement mauvaise et très caillouteuse mais pas assez pour nous décourager et nous n'aurons finalement pas besoin de ce service pour arriver à Charala.



 

Ah Charala !!! On en aura souvent parlé de Charala, en chantant à tue tête sur les sentiers cahoteux des jours précédents.

Quand nous y arrivons, nous retrouvons des cafés, des almuerzos, des tiendas... et même un camping économique qui surplombe la ville. Étape détente et repos, à l'ombre du gigantesque arbre à pluie qui trône sur une des places (57 m de diamètre). 

Et un tronc de 9m de circonférence...




Le vendredi, les équipes du coin s'affrontent en tournoi. Un régal !


La vue de notre tente.

On vivra ici deux jours au rythme de cette ville chaude du Santander qui annonce notre arrivée prochaine à San Gill... On se rapproche de l'arrivée...



Commentaires

  1. Thomas Walter01 août, 2023

    Faudra penser à porter recla auprès de votre tour operator ! La moitiée de vos résa qui sautent c’est pas du boulot ça ! ;)

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  2. iiiaaaaaa ! C'est bon de lire les kilomètres qui défilent avec ces émotions en guise de décor. De belles rencontres, mais aussi quelques peurs et des muscles qui se dessinent dans les ornières des sentiers. Bravo surtout aux petits mollets et a leur résistance mentale !

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